Les stéréotypes, un reflet de la société

       L'usage du stéréotype et plus particulièrement de personnages types au cinéma revient à économiser la réflexion et est basé sur des aprioris . Il repose sur des « on dit » et relève souvent de prises de position simplistes . Les réalisateurs partent souvent du principe qu'un stéréotype correspond en tout ou en partie à la réalité . Ce mode de raisonnement permet à la fois de faire l'économie d'un discours argumenté et de ce que l'on ne connait pas .

       En plus d'être un divertissement, le cinéma est aussi là pour informer et faire découvrir la société au public. En effet il s'adapte aux phénomènes de société, l'apparition au cinéma de violeurs, de drogués, d'adolescentes enceintes proviennent forcément de faits de société modernes. Ils démontrent une évolution, un changement de la société vis-à-vis des films du début du XXème siècle par exemple.

       Une œuvre cinématographique ne manifeste pas non plus les seuls points de vue de ses auteurs et de leur culture. La vision même du film et les sentiments qu’elle provoque font appel au point de vue du spectateur. Celui-ci aussi est influencé par son propre milieu socioculturel, par le genre de film qu’il a l’habitude de voir et par ses préoccupations personnelles. Au final, un film confronte la subjectivité de celui qui le propose à celle de celui qui le voit, comme dans Romeo+Juliet de baz Luhrmann ou Marie-Antoinette de Sofia Coppola.

      Ce dernier n’est pas un film historique ; c’est un film contemplatif où l’on retrouve tout l’univers de la réalisatrice Sofia Coppola. Le contexte historique n’est pas respecté ; de nombreuses erreurs sur la réalité des faits et sur le physique de certains personnages sont visibles, la bande originale du film est créée par des groupes contemporains, des éléments du XXème siècle sont glissés dans les scènes : c’est la signature de la réalisatrice que d’insérer des anachronismes artistiques qui donnent à voir un film esthétique et léger. Sofia Coppola se base sur une époque uniquement dans le but de privilégier et gratifier l’esthétique de cette époque comme la mode Louis XXVI, le personnage mythique de Marie-Antoinette, l’ambiance revisitée de la Cour du Roi et bien sûr l’architecture ; le film se déroule principalement au château de Versailles, ainsi qu’à l’Opéra de Paris, construit d’ailleurs un siècle plus tard que l’époque où est sensée se dérouler l’action.



    Parallèlement, les stéréotypes permettent aussi d'illustrer une société en changement, en évolution par le biais de personnages types reflétant les caractéristiques d'une époque. Ainsi, dans A bout de souffle, Jean-Luc Godard met en scène les clichés les plus grossiers. Depuis les auto-stoppeuses au début du film que Michel décide de ne pas prendre parce qu’« elles sont trop moches », le film véhicule les opinions très stéréotypées de son principal protagoniste. Les « idées toutes faites » et les attitudes machistes abondent : « Les femmes au volant, c’est la lâcheté personnifiée », « Jamais d’argent chez les femmes », « J’ai envie de recoucher avec toi… ça veut dire que je t’aime », « Les femmes ne veulent jamais faire en 8 secondes ce qu’elles voudraient faire 8 jours après » (Michel en feuilletant une revue « de charme »), « Les femmes c’est toujours les demi-mesures, moi ça me détruit le moral », « Quand une fille dit que tout va bien et qu’elle a du mal à allumer une cigarette, c’est qu’elle a peur de quelque chose ».

Michel : « Pourquoi tu veux pas recoucher avec moi ? / Patricia : « […] je voudrais qu’on soit Roméo et Juliette » / Michel : « Oh la la, c’est bien des idées de fille ça », « Vous êtes cons, les Américains, la preuve c’est que vous adorez Lafayette et Maurice Chevalier, alors que c’est justement les plus cons de tous les Français »,
« Les cambrioleurs cambriolent, les assassins assassinent. Les amoureux s’aiment. » Ces raisonnements fallacieux sont si récurrents que l’on peut considérer qu’ils relèvent de la farce, de l’exagération comique, de la dénonciation ou d’une interrogation sur le sens  et sur l’absurde.



       De même, l'adaptation cinématographique d'un roman n'est pas un simple véhicule des contenus et sujets ni même mythes transmis par les oeuvres littéraires. Elle est au premier chef une opération de lecture qui dépend de la culture et du monde de références de l'auteur et du spectateur. Ex: Lolita de nabokov et l'adaptation de Kubrick. C'est dans doute l'une des caractéristiques majeures du cinéma classique que d'avoir revisité les mythes dont s'était nourrie la littérature. Il les a non seulement recontextualisés mais dans bien des cas cristallisés ou bien revivifiés, en fonction de l'époque et du mouvement cinématographique du réalisateur.