L'influence des stéréotypes cinématographiques sur la société


         L'emploi de stéréotypes et de personnages types dans les représentations des produits de la culture de masse a un attrait important : les rôles sont implicitement évoqués par le stéréotype auquel s'identifie le personnage joué. Afin d'attirer le plus grand nombre de spectateurs, les scénaristes de films à grand budget qui ne sont pas concernés par les films d'auteur ont donc tout intérêt à faire appel aux idées reçues contenues dans les interactions entre ces personnages fictifs stéréotypés.

          Le tueur psychopathe, ou serial killer, fascine depuis toujours, et plus particulièrement depuis notre époque dite moderne, où sont apparus des spécialistes liés à ce type de criminel, les "profilers".  Au cinéma, le serial killer inspira de nombreux films, qu'il s'agisse de récits directements basés sur des faits et des personnages réels, d'inspirations plus ou moins directes, ou d'inventions pures et simples. Mais le plus intéressant reste le film qui s'inspire de vrais tueurs en série, il est plus complexe à mettre en scène, plus lourd à porter, et se doit de respecter les faits, ce qui implique un grand soin à sa réalisation (qui n'est pas toujours le cas). 

     Lorsqu’on regarde un film, on se représente les personnages en fonctions de leurs caractéristiques générales, sans vraiment les connaître. Le réalisateur joue en effet sur l’aspect physique de l’acteur car c'est un moyen assez efficace pour définir son rôle. Un personnage et son stéréotype vont donc de pair, le stéréotype le complète et permet au spectateur de comprendre plus facilement les rôles attribués. Le réalisateur peut donc créer les différents sujets, sans devoir les décrire, tout en donnant une idée globale au spectateur. Celui-ci peut alors deviner si cette personne est, par exemple, détective privé, tueur en série, jeune de banlieue, policier, … Une répétition de certains clichés peut évoquer l'ennui, mais peut inversement réjouir un certain public avide de kitsch ou mettre plus à l'aise un spectateur en territoire inconnu.

        Prenons l'exemple des différentes adaptations cinématographiques du roman « L'Ange Bleu » d'Heinrich Mann dont « L'Ange Bleu » de Sternberg (1ere adaptation cinématographique), « Lola, une femme Allemande » de Fassbinder, « Lola Montès » de Ophuls et « Lola » de Demy. Le personnage mythe de Lola a davantage été créé par le film de Sternberg que par le roman lui-même car le nom que lui a donné le réalisateur a été retenu pour les autres adaptations au détriment de celui donné par l'auteur du roman, Rosa. Lola représente alors la femme mi-artiste mi prostitué, une des facette de la femme fatale. La renommée du personnage de Lola a été jusqu'à inspirer de nombreuses maquerelles pour nommer leurs prostituées, il en est de même pour la mythique Carmen de Bizet ou la Rosa de « La maison Tellier » de Maupassant.. Elles sont des mythes qui survivent à travers toutes les adaptations et les évolutions desquelles elles sont encore sujets.
Voici en image l'évolution du stéréotype de " Lola " basé la première adaptation du roman, par Sternberg :


Sternberg, 1930
                                                  
Ophuls, 1955
                                   
                                              
Demy, 1961


Fassbinder, 1981

        Les enfants sont souvent influencés par les stéréotypes présents dans les dessins-animés. Ils ne connaissent pas encore le monde dans lequel ils vivent et risquent d’associer les personnages aperçus à l’écran aux personnes qu’ils rencontrent. Il ne faudrait pas qu’ils croient alors que tous les Asiatiques sont karatékas, que tous les bons joueurs de basket-ball sont des sportifs noirs, que les criminels ont un turban, … Tandis que les adultes sont capables de faire une différence.  Apprendre à distinguer un stéréotype n’est pas toujours facile, certes. Il faut pour cela se détacher du contexte et ne pas se laisser influencer par ce qu’on voit tous les jours à la télévision. Mais, c’est malgré tout un point très important car sans esprit critique, le monde extérieur ne serait que stéréotype. 


         Alain Resnais " Le cinéma, c'est la manipulation du réel par le son et l'image ".


       Le stéréotype devient problématique lorsqu’il n’est pas pris pour ce qu’il est. C’est-à-dire lorsqu’on prend pour une vérité générale une représentation caricaturale dont la fonction n’est pas d’établir le portrait fidèle d’un groupe social mais bien son raccourci (nous accentuons les différences entre les personnes appartenant à des groupes distinct et que nous minimisons les différences entre les membres d'un même groupe). En simplifiant, le stéréotype élude la complexité de chaque groupe social. Mais aussi les innombrables différences qui peuvent exister entre un individu et les caractéristiques supposées de son groupe d’appartenance. Bref, le stéréotype devient un préjugé lorsqu’il est pris pour une réalité avérée et non pour une simplification. Le stéréotype peut alors devenir un véritable frein au travail de découverte et de réflexion, non seulement au cinéma, mais aussi dans la réalité. Bien qu’il soit fréquent d’entendre au sujet d’un film ou d’un reportage qu’il est « réaliste », il est important de garder à l’esprit qu’une œuvre filmée est immanquablement subjective. Ce qui est donné à voir et ce qui est raconté sont toujours dépendants des choix qu’opèrent le réalisateur. A ce titre, tout film manifeste le point de vue de quelqu’un sur un sujet. 

          Le cinéma, en tant que média, a une large diffusion et est particulièrement utile pour transmettre des idées à un certain nombre de personnes, parfois nuisives, comme la cigarette. En effet, le cinéma transmet aux jeunes des messages qui idéalisent l'usage du tabac. Une étude menée par l'université de Harvard a prouvé que les femmes à l'écran fument deux fois plus que dans la vie réelle. Ainsi, 42 % des actrices sont appelées à fumer alors que seulement 20% des femmes dans le monde fument. Pour les femmes, la cigarette au cinéma est associée à une manifestation du pouvoir, à une allure « sexy ». Quant aux hommes, ils se servent souvent de la cigarette pour renforcer leur identité masculine, leur prestige, leur autorité. En effet, chaque année, l'industrie du tabac dépense des milliards pour inciter les jeunes à fumer. Elles cherchent à faire croire que fumer est valorisant, séduisant et cool. Afin de promouvoir leurs produits, les fabricants de tabac vont même jusqu'à conclure des ententes avec des vedettes de cinéma. Toutefois, le cinéma peut aussi se révéler un excellent outil pour la prise de conscience.